Bonjour Hansel Pixel, peux-tu nous en dire plus sur la personne qui se cache derrière ce pseudonyme ?
Je suis "Monsieur tout le monde" français, né dans les années 80. Je ne partage pas grand-chose sur ma vie privée, car 99 % de mes œuvres sont illégales.
Je peux seulement dire que je suis marié à une femme formidable, vraiment patiente et très soutenante. Il faut garder à l’esprit que quand quelqu’un fait de l’art dans la rue à 2h du matin, il y a presque toujours une épouse, un mari, une sœur ou une mère à la maison, qui garde les enfants et s’inquiète.
Et concernant le choix de ton pseudonyme ?
Je sais que cette interview n’est pas sur mon épouse, mais c’est elle qui a soufflé mon pseudo. On cherchait un nom qui rime avec “pixel”, et elle a proposé “Hansel & Pixel”. J’ai trouvé ça presque parfait, surtout parce que dans le conte “Hansel & Gretel”, les enfants déposent des cailloux pour ne pas se perdre. C’est en gros ce que je fais en posant mes carreaux dans la rue. Le “&” impliquait qu’on était deux, mais je travaille en solo. J’ai donc choisi “Hansel Pixel”.
Quel a été ton premier contact avec l’art urbain ?
Enfant, je me posais plein de questions sur les tags et les graffitis dans la rue, surtout sur les trains et le long des voies ferrées. Je trouvais que les graffeurs avaient du cran. Je savais que ça faisait partie du hip-hop, et je suis immédiatement tombé amoureux de cette culture et de ses valeurs : paix, unité, respect, fun.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer ?
En 2002, j’ai commencé le graffiti à cause de la montée de l’extrême droite en France. J’étais ado, je ne pouvais pas voter, et écrire sur les murs me semblait être le meilleur moyen de dire : “hé, les gars, les jeunes sont en colère.” J’étais aussi fan de culture hip-hop, donc le graffiti est vite devenu une évidence. Je voulais voir mon nom partout, c’était presque obsessionnel.
Après 7 ans, j’ai arrêté : un ami s’est gravement blessé en peignant un train.
Presque 15 ans plus tard, l’extrême droite se sent plus à l’aise que jamais. J’ai vieilli, mais j’ai toujours la même rage. Le graffiti est devenu trop risqué : faire une fresque prend du temps, donc les chances de se faire attraper sont élevées. Il y a des caméras partout, et ma vie de famille serait en danger si je sortais la nuit peindre des murs.
Il y a un an, j’ai visité l’exposition d’Invader à Paris. C’est là que j’ai su que ce médium était parfait : rapide, lisible, apprécié, mais encore un peu subversif. J’adore la phrase “the medium is the message”. Mes œuvres ne sont pas rebelles en soi, mais le simple fait que quelqu’un prenne le temps de poser un objet non sollicité dans la rue, c’est déjà quelque chose.
Aujourd’hui, les seules images visibles en ville sont les pubs et les panneaux. Le street art est une surprise, une incongruité. Je veux que les gens se demandent “pourquoi ? qui ? quand ?”.
Si tu devais définir ton style en 3 mots ?
Surprenant : je veux que les gens soient étonnés. Ça peut être un animal, une fusée, un jouet… quelque chose d’inattendu.
Authentique : je dessine mes propres modèles. Le pixel art est souvent une reprise de sprites existants, mais je veux éviter ça. Je ne veux pas qu’on dise “tiens, un Pokémon rigolo !”. D’autres le font déjà très bien.
Ludique : j’adore proposer des jeux de piste avec mes mosaïques. “In The Woup” l’a fait dans le quartier Montorgueil à Paris, c’était brillant. J’ai aussi des challenges à Clermont, Lille, Paris…
Peux-tu nous parler de ton processus de création ?
Quand j’ai une idée, je la note dans mon téléphone. J’ai plus de 20 pages de notes !
Il y a deux types : les pièces solo et les séries. Je planifie les séries plusieurs semaines à l’avance : choix de la ville, thème, croquis sur l’appli 8bit Painter, achat de carreaux.
La partie la plus longue : assembler les carreaux un par un sur un film plastique, puis coller le tout pour former une pièce solide.
Chaque œuvre est un défi : je veux que ce soit beau, mais pas trop chargé en carreaux ou couleurs. Les carreaux sont posés comme des pixels (opus tessellatum). J’évite les zones monochromes trop larges, je trouve ça ennuyeux.
Tes principales sources d’inspiration ?
Les livres pour enfants, très colorés. Et mes proches : je leur demande souvent ce qu’ils aimeraient voir apparaître dans la rue. Parfois, le nom de la rue ou un commerce m’inspire directement une idée.
Le spot idéal pour coller une œuvre ?
Les fenêtres murées, elles encadrent parfaitement mes œuvres. J’adore aussi les gros murs pour des pièces de 3 mètres ! Et dans les petites villes, les transformateurs électriques sont parfaits (on peut en trouver la localisation sur la carte d’Enedis 😉).
Ta première mosaïque, tu t’en souviens ?
Un cœur avec l’initiale de ma femme, collé sur un poteau en béton près de sa place de parking. J’avais acheté pile 50 carreaux rouges et 9 blancs. C’était deux ans avant que ça devienne sérieux pour moi. Maintenant, j’achète des dizaines de kilos de carreaux…
Quelles villes et pays as-tu “envahis” ?
Je n’aime pas dire “envahi”, souvent il n’y a qu’une pièce par ville. Mais sinon : Strasbourg, Reims, Lille, Paris, Clermont (Oise), Calella de Palafrugell, Castres, Mazamet.
Tu sais combien de mosaïques tu as posées ?
97 à ce jour. Une seule a été enlevée.
Ta mosaïque préférée ?
Celles liées à une anecdote. À Montmartre, j’ai collé une fusée à 11h du matin, flippé de voir la police. Deux passants se sont arrêtés, m’ont parlé, adoré la pièce. Ils étaient fans de street art, c’était un super moment.
Une mauvaise expérience ?
Oui : je me suis fait arrêter par la police à minuit. J’étais sur une échelle. Ils ne m’ont pas emmené au poste mais m’ont obligé à décrocher ma mosaïque de 600 carreaux. Ils m’ont dit qu’ils l’aimaient bien, mais qu’ils n’avaient pas le choix… et que je devrais poser en journée.
Tes projets pour cette année ?
25 mosaïques à Strasbourg, 10 à Amiens, quelques-unes en Catalogne cet été. Retour à Lille en novembre (5 pièces), et peut-être 10 à Toulouse aussi en novembre.
Et deux idées inédites que je garde secrètes pour le moment !
Ton rêve le plus fou ?
Avoir assez de temps pour réaliser toutes mes idées. 60 ans de plus devraient suffire 😄
Quel artiste aimerais-tu voir interviewé dans le prochain portrait ?
Mr Djoul ou Florist. Deux artistes que j’aime beaucoup !
Où peut-on te suivre ?
Instagram : @hanselpixel